mer, 10/01/2014 - 10:18
La poire fait vivre
"Bonne poire". En général, ces deux mots ne distillent pas joie et bonne humeur, surtout s’ils sont accompagnés d’un rictus moqueur et d’un œil goguenard. Car ils ne désignent que rarement un fruit savoureusement mûr. Une bonne poire, c’est comme un pigeon : une personne un peu sotte qui se fait rouler dans la farine. Bref, un qualificatif dont on n’aime pas trop être affublé.
Ce fruit si rafraichissant, si juteux, ne mérite pourtant pas tant de haine. Il cumule plein d’atouts : il est bon pour la peau, l’appareil digestif, la prostate… Enfin bref, c’est sain, exquis, bon marché et il en pousse à foison dans tout l’Hexagone. Pour ne rien gâcher, la poire est récoltée jusqu’au début de l’hiver, à l’heure ou les corbeilles de fruits souffrent d’un cruel manque de fantaisie.
Sous l’ancien régime, les rois en avaient d’ailleurs bien saisi la valeur. À Reims, au moment de leur sacre, ils se faisaient offrir une corbeille de poires avec quelques bouteilles de champagne. Alors comment est-elle passée des fastes de la couronne au quolibet ? La faute à Louis-Philippe (1773 – 1850). Plus précisément à Charles Philipon, considéré comme le père de la caricature politique en France. L’homme est l’auteur, en 1831, des quatre célèbres croquis présentant le visage du monarque se métamorphosant peu à peu en poire.
Le souverain, réputé corrompu, avide et peu enclin à l’empathie, est l'objet d'une vive contestation populaire qui s'exprime notamment, à partir de 1835, sous la forme de graffitis aux motifs de poire qui déferlent sur les murs de Paris. Dans le langage courant, la poire devient alors synonyme d’une personne vile, dédaigneuse. Une figure dont on se moque allègrement, dont on "se paye la poire" et qui prend, de fil en aiguille, un sens un peu différent : elle finit par désigner une personne pas très maligne, niaise et mollassonne. Depuis, nombreux sont les hommes politiques à subir le même sort piriforme que Louis Philippe : Adolphe Thiers, Georges Pompidou, Richard Nixon, Helmut Kohl…
À défaut d’une réputation flatteuse, la poire peut se targuer d’un bien curieux trophée depuis presque deux siècles : elle est devenue le fruit le plus célèbre de la vie politique.
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Chef Julien Montbabut
Le Restaurant
13, rue des Beaux-Arts
75006 Paris
Recette de niveau moyen
Ingrédients pour une personne
3 huîtres Marennes d’Oléron numéro 3
3 belles poires William pas trop mûres
350 g de Tariquet (vin blanc du Sud)
200 g d’eau
175 g de sucre
150 g d’eau d’huître filtrée (récupérée lors de l’ouverture des huîtres)
150 g de farine de sarrasin torréfiée (passée au four)
150 g de lait
100 g de jus de poire (du commerce)
70 g de beurre
14,4 g de kappa carraghénane (gélifiant en poudre disponible en épicerie)
3 œufs
Thym citron
1 petite boîte de caviar ou, à défaut, d’œufs de poisson
1 feuille d’or (facultatif)
Quelques fleurs et feuilles de bourrache
Salicorne
RECETTE
Première étape : les huîtres en gelée
Placer les huîtres non-ouvertes dans un four vapeur pendant 3 minutes (ou 4 minutes dans un couscoussier). Elles peuvent être légèrement ouvertes à la sortie du four. Attention de ne pas les faire trop cuire, elles deviendraient caoutchouteuses. Les ouvrir à l’aide d’un couteau à huître, les égoutter en prenant garde de bien conserver l’eau, les placer dans un chiffon propre, puis les piquer dans le sens de la longueur avec un cure-dent. Les réserver au congélateur une dizaine de minutes, ou une trentaine de minutes au frigo. L’huître doit être bien froide.
Pour l’enrobage de l’huître, mélanger 150 g de Tariquet, 100 g d’eau et 50 g d’eau d’huître. Dissoudre ensuite 10 g de kappa carraghénane dans la préparation puis porter à ébullition. Retirer du feu puis laisser refroidir jusqu’à ce qu’une couche de mousse blanchâtre un peu solide apparaisse. Repousser cette mousse sur un bord de la casserole et tremper trois fois chaque huître dans le gel, en la tenant par le cure-dent. Déposer ensuite les huîtres sur du papier sulfurisé.
Deuxième étape : les billes de poire au sirop
Pour faire le sirop, mélanger dans une casserole 200 g de Tariquet, 100 g d’eau et 50 grammes de sucre. Ajouter une branche de thym citron et trois ou quatre zestes de citron prélevés à l’économe. Porter le mélange à ébullition.
Éplucher les poires sans les découper. Y tailler des billes avec une cuillère à pomme parisienne (sorte de petite cuillère à glace). Compter cinq à six boules de poire par assiette.
Une fois les boules prélevées, ôter le cœur et les deux extrémités des fruits et plonger le reste dans le sirop pour le parfumer.
Une fois le sirop porté à ébullition, le retirer du feu et plonger les billes de poire. Elles doivent rester fermes, les fruits utilisés ne doivent donc pas être trop mûrs. Recouvrir le tout d’une couche de papier sulfurisé et les réserver jusqu’à ce que le mélange refroidisse. Les poires restent ainsi croquantes et s’imprègnent du goût du vin et du citron.
Troisième étape : le biscuit de sarrasin
Casser les trois œufs et les battre avec 125 g de sucre jusqu’à ce que le mélange blanchisse. Incorporer 70 g de beurre pommade (beurre ramolli), puis ajouter 150 g de farine de sarrasin torréfiée (pour ce faire, passer la farine dispersée sur une plaque 4-5 minutes au four bien chaud en prenant garde qu’elle ne colore pas). Mélanger jusqu’à ce que la pâte soit bien lisse, puis la détendre avec 150 g de lait. La passer ensuite au chinois pour éliminer les éventuels grumeaux, puis la verser dans un siphon à chantilly. Vider le siphon dans un petit récipient et l’enfourner 1 minute au micro-ondes à puissance maximale. Une fois cuite, la pâte doit avoir la consistance de la mie de pain.
Quatrième étape : le gel à la poire
Dans une casserole, mélanger les 100 grammes de jus de poire, 100 g d’eau d’huître et 4,4 g de kappa carraghénane. Porter le tout à ébullition en fouettant le mélange de temps en temps pour éviter qu’il accroche, puis retirer du feu. Attendre que ça refroidisse. Une fois froid, mixer le gel obtenu pour le détendre un peu, puis le verser dans une poche.
DRESSAGE
Commencer par les éléments les plus gros. Placer les huîtres (en retirer préalablement les cure-dents) dans l’assiette, fixées sur des petits points de gel. Placer cinq ou six boules de poire. Découper grossièrement le biscuit au sarrasin et en répartir cinq morceaux dans l’assiette. Avec la poche, faire quelques points de gel de taille différente. Réaliser quelques petites quenelles de caviar. Pour finir, agrémenter de branches de salicorne crue, de fleurs et de petites feuilles de bourrache, puis déposer délicatement quelques morceaux de feuille d’or.
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