Roquefort attitude



Avouons-le, personne ne peut imaginer que le roquefort soit né d’une idée lumineuse, d’un éclair de génie, fruit d’une volonté pleine et consciente. Quel individu sain d’esprit se serait dit, en se rasant le matin : "Tiens, et si je laissais moisir ce lait caillé pour voir quel goût ça a" ? À l’évidence, personne.

De cette observation naît la plus rationnelle des interrogations : qui donc a eu l’audace de porter à sa bouche – de son plein gré – cette pâte moisie à l’odeur suspecte ? Ce geste apparaît si saugrenu qu’il a donné naissance à une légende. L’histoire parle d’un berger qui faisait paître ses brebis sur le causse du Combalou, l’un des plateaux arides de l’Aveyron. Le jeune homme avait pour habitude de laisser son casse-croûte au frais dans l’une des grottes, nombreuses en ces lieux. Un jour, il voit passer au loin une femme d’une grande beauté.  Pris de passion, il se lance aux trousses de la belle sans jamais parvenir à la rattraper. De retour à son troupeau après de longues heures de marche, il va chercher son déjeuner dans la grotte. Stupeur, son lait caillé est "marbré de vert tendre", rapporte la légende. Affamé, le jeune homme se résout à le manger. Il découvre un fromage intense, au goût fort et fin. Le roquefort est né.

Sauf que le berger a menti. Son histoire est bien jolie, mais elle n’est pas crédible : il faut au moins 15 jours pour que la moisissure (le penicillium roqueforti) se développe dans le fromage. Qui sait ? Le jeune homme a peut-être rejoint sa dulcinée et s’est nourri d’amour et d’eau fraîche pendant deux semaines, le temps que la passion s’apaise, avant de rentrer, blafard et amaigri, retrouver ses moutons… et son lait caillé moisi.

Quoi qu’il en soit, ses mensonges sont bien volontiers pardonnés ! Car sans lui, le patrimoine gastronomique français n’aurait décidément pas tout à fait l’éclat qu’on lui connaît. Le roquefort, sacré "roi des fromages" par Diderot, est le premier à avoir reçu une Appellation d’origine contrôlée en 1925. Mais son histoire est millénaire : des manuscrits en font mention dès le XIe siècle, sous le règne des Capétiens. Depuis, les rois se sont succédé, puis sont tombés, les troubadours ne courent plus la campagne, les collerettes fraise et les robes à panier sont tombées aux oubliettes… le roquefort, lui, est resté.

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Chef Jacques Faussat
La braisière
54 rue Cardinet
75017 Paris

Recette de niveau facile

Dans l'idéal, il est préférable de réaliser cette recette au moins trois jours avant consommation. Le fromage monté se conserve facilement une semaine, voire dix jours, au réfrigérateur.

300 g de roquefort
300 g de rocamadour frais
1 coulommiers fermier (ne pas le choisir trop frais ou trop mou)
150 g de raisin frais de muscat
50 g de noisettes torréfiées (passées rapidement au four)
Vin liquoreux vendanges tardives, de style Côtes-de-Saint-Mont
Sel
Poivre

Le conseil du chef : "Choisir un roquefort bien vieilli pour amener de la puissance au plat. Et de façon générale, ne prenez que des fromages au lait cru pour que leur caractère ne soit pas dénaturé".

L’appareil
Faire mariner les raisins épépinés dans le vin liquoreux pendant 24 heures. Concasser grossièrement les noisettes dans un pilon. Mélanger le rocamadour frais, les raisins marinés (y ajouter un peu de jus), le sel, le poivre et les noisettes. Goûter pour vérifier l’assaisonnement, le mélange doit être bien relevé.

Montage
Découper le coulommiers en trois dans le sens de la largeur, de façon à obtenir trois cercles. Pour ne pas trop abîmer le fromage, utiliser un couteau long, fin et bien affûté.
L’astuce du chef : ôter les agrafes de la boîte en bois du coulommiers, en conserver le fond et les cerclages, ils serviront à maintenir la structure du fromage monté.

Placer l’une des extrémités du coulommiers sur le fond du couvercle, le cercler à l'aide du côté du couvercle, étaler une couche du mélange  rocamadour, raisin et noisettes sur un gros centimètre d’épaisseur. Couper le roquefort en tranches de 5 à 7 millimètres à l’aide d’un couteau bien affûté (tremper la lame dans l’eau chaude pour faciliter la découpe) et les placer sur le dessus du montage. Répéter l’opération deux fois (le fromage monté a trois couches en tout) et terminer par le roquefort.

Filmer le fromage monté et le placer au frais au minimum trois jours. Il est possible de réaliser ce fromage monté juste avant de le déguster, mais il est meilleur quand les saveurs des différents fromages ont eu le temps de se mêler.

Dressage
Démouler le fromage. L’opération peut s’avérer délicate, pour la faciliter, passer un couteau long, affûté et chauffé dans l’eau, le long du cerclage.
En couper une tranche, la placer dans une assiette, de préférence de couleur sombre pour que le fromage monté ressorte bien. Ajouter une tranche de pain de campagne grillé, quelques noisettes entières et une pincée  de gros sel sur le côté de l’assiette. Pour le chef Jacques Faussat, pas de salade avec  le fromage !

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